par Jade Le Maître, Innoecho

Le robot plongeur OceanOne a été dévoilé au public lors de l’inauguration de l’exposition Mémoire à la Mer, célébrant les 50 ans de l’archéologie sous-marine française, avec la création par André Malraux en 1966 de la Direction des recherches archéologiques sous-marines, devenue entre temps le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, ou DRASSM pour les intimes.

En 50 ans, que de belles trouvailles et d’évolutions dans la manière de mener les fouilles ! À voir à ce sujet, absolument, cette nouvelle exposition du Musée d’Histoire de Marseille, montée en un temps record (16 mois pour choisir 50 objets parmi plus de 5000, et leur faire raconter les grandes découvertes archéologiques sous-marines françaises).

Dernière nouveauté en date pour le DRASSM : un robot humanoïode, issu d’une collaboration internationale entre le DRASSM, le CNRS-LIRMM et l’Université de Stanford – un trio de noms prestigieux pour donner naissance à une grande première mondiale, le robot archéologue sous-marin OceanOne.

OceanOne est un robot humanoïde, capable de plonger jusqu’à 1000 mètres de profondeur, en étant télé-opéré depuis la surface. Sa première mission officielle ? Explorer l’épave de la Lune,  le fameux navire de Louis XIV coulé par moins 100 mètres de profondeur.

La robotique sous-marine, c’est le niveau technique juste en dessous de la robotique spatiale : des contraintes énormes, qui donnent lieu à des prouesses et des avancées que nous retrouverons dans notre quotidien dans quelques années.

OceanOne n’est pas un robot qui remplacera les archéologues.

Comme le souhaitait à juste titre André Malraux en fondant le DRASSM, mieux vaut des archéologues qui sachent plonger plutôt que des plongeurs qui obéissent à des archéologues restés à la surface. Dans cette même veine, puisque le corps humain ne peut supporter longtemps les profondeurs sous-marine, l’idée est d’avoir un robot qui va pallier aux faiblesses du corps humain, et bénéficier de son intelligence : un robot télé-opéré, à l’apparence humaine car il est plus simple de diriger un objet qui nous ressemble (un tronc, des bras, des mains, une vision stéréoscopique grâce à deux yeux). Sa seule limitation ? Sa main ne possède que trois doigts – comme l’indique avec humour Michel L’Hour lors de la conférence de presse, si la nature a doté l’homme de 5 doigts, c’est qu’elle ne doit pas être stupide. Heureusement, Vincent Creuze, du LIRMM est « à deux doigts » de lui donner les 5…

Ce robot n’a donc pas pour vocation de remplacer les archéologues, mais bien de leur permettre de se concentrer sur ce qui fait leur valeur ajoutée. Les équipes souhaitent lui donner d’avantage d’autonomie, pour que le pilote archéologue n’ait pas à se tracasser de la manière dont il doit se déplacer – mais qu’il puisse se focaliser sur les vestiges eux-mêmes. Les vestiges archéologiques étant fragiles, il était important de donner au robot le sens du toucher via une interface haptique, qui permettra aussi à l’archéologue de mieux sentir la matière dont est fait le vestige. OceanOne reste à tout moment relié à la surface par un cordon ombilical par lequel transitent toutes les données, assurant aux robots comme à l’équipe que le pilotage s’effectue sans latence. Pour éviter que ce cordon ne s’emmêle un peu partout, le robot autonome sous-marin du LIRMM est appelé à la rescousse.

L’équipe d’OceanOne sait prendre des risques, comme celui de transporter le robot depuis Stanford jusque Marseille pour le faire plonger sur « la Lune », sans l’avoir jamais testé dans de l’eau salée – une confiance folle dans les capacités des équipes de Stanford, et un stress perceptible sur le bateau lors de sa première plongée en Méditerranée. De la simulation à la plongée dans une piscine, puis la méditerranée : en une année, quel travail abattu ! Le plus beau reste le fait qu’après plusieurs séances de plongée, ce robot n’aura pas nécessité de réparations, même après s’être coincé le bras contre un des canons de la Lune.

OceanOne, c’est une belle histoire pour la recherche française, issue de la rencontre entre archéologues et roboticiens.

Quand j’ai fait ma présentation au GDR Robotique, un homme m’a dit qu’un tiers de ce que je demandais était déjà fait, un tiers était faisable, tandis que le dernier tiers était complètement fou. Ce derniers tiers est ce qui l’intéressait, il voulait travailler avec moi. Cet homme, c’était Vincent Creuze. — Michel L’Hour

Cette rencontre s’est faite lors de l’une des Journées duGDR-Robotique (l’instrument d’animation de la communauté de recherche robotique française, fédérant plus de 60 équipes de recherche, soit environ 1000 chercheurs) organisée par Philippe Bidaud, alors directeur du GdR, à l’ONERA en Janvier 2014.

Cette journée avait pour objet de faire un bilan sur les recherches menées en France dans le domaine de la Robotique Sous-Marine et de la Manipulation Dextre, avec des interventions de Michel L’Hour (directeur du DRASSM), Vincent Creuze, (Maître de Conférences au LIRMM et animateur de l’axe Robotique Marine et Sous-Marine du GDR Robotique) et Oussama Khatib, Professeur à l’Université de Stanford, alors invité à faire une présentation sur ses travaux en Robotique Humanoïde.

De gauche à droite : Oussama Khatib, Vincent Creuze, Michel L’Hour (Photo Philippe Bidaud)

Oussama Khatib revenait pour la première fois plus de 30 ans après dans son bureau de doctorant à l’ONERA. Il y discute de ses projets avec Michel L’hour et Vincent Creuze. Les 3 compères se rendent compte qu’ils travaillent peu ou prou sur le même projet : il est temps de mutualiser les efforts ! La collaboration internationale est née, les trois hommes travailleront ensemble sur ce projet de robot archéologue sous-marin !

Lors des premiers Etats Généraux de la Robotique, en mars 2014 à Innorobo, Michel L’Hour, directeur du DRASSM, participe à la table ronde sur les Domaines de Leadership français. Il en profite pour officialiser cette collaboration : ne trouvant pas de « robot commercial » capable d’aider ses équipes, il indique s’associer aux laboratoire français pour développer son robot archéologue sous-marin.

Une intervention sur l’archéologie sous-marine a mis en lumière la sous-exploitation des fonds sous-marins par l’homme, en raison des limites de la plongée humaine. Des robots pourraient explorer ces fonds. Le challenge est de réaliser un robot milieu hostile (eau salée et corrosive, forte pression, etc.)

Rapport d’étonnement sur les EGR 2014 – ARDI Rhône-Alpes

 

Un an après, on retrouve Oussama Khatib à Innorobo 2015, dans une conférence très interactive, avec une démonstration du futur robot OceanOne… en simulation uniquement. Cette conférence est donnée le 2 juillet, ce qui veut dire qu’en moins d’un an, les équipes de recherche ont assemblé, testé et validé un robot complet, capable de plonger à 1000 mètres de profondeur, et d’y être efficace.

Une telle prouesse aura nécessité de mobiliser plusieurs équipes de recherche du côté de Stanford également. La partie haptique, par exemple, est réalisée par Force Dimension, société créée par… un ancien doctorant de l’équipe d’Oussama Khatib.

Comme pour toute belle histoire, l’émotion est de la partie : le premier objet remonté par OceanOne de l’épave de la Lune est un petit pot catalan du 17ème siècle – l’objet rencontré le plus souvent à cette profondeur, un objet devenu tellement banal pour les archéologues qu’aucun sourcil ne tressaille à ce genre de découverte. Mais pour un roboticien, c’est une toute autre histoire ! Une rencontre entre deux époques, le premier vestige archéologique remonté par un robot – émotion garantie pour Oussama Khatib et son équipe, l’aboutissement d’une année de travail contre la montre. L’émotion est d’autant plus forte que grâce à l’interface haptique, l’opérateur ressent ce que fait le robot. Le robot devient avatar, et au final, c’est un humain, à l’intérieur d’un robot, qui remonte ce petit pot catalan du 17ème siècle.

Une petite brasse pour un humain, un grand crawl pour la robotique.

SOURCE Innoecho

SIMILAR ARTICLES

Un tour à la Maker Faire Paris 2016

0 17

Le Robot Lab Challenge est lancé !

1 20

EOS Innovation propulse la surveillance mobile et connectée en s’associant à Derichebourg

0 34

NO COMMENTS

Leave a Reply